La naissance du western spaghetti dans les studios de Cinecittà

Dans les années 1960, un nouveau genre cinématographique voit le jour dans les studios italiens de Cinecittà : le western spaghetti. Cette appellation, initialement péjorative, fut donnée par les critiques américains pour désigner ces westerns produits en Italie avec des budgets souvent modestes. Pourtant, ce qui commence comme une simple imitation des westerns hollywoodiens va rapidement se transformer en un mouvement artistique majeur, redéfinissant les codes du genre.

Décor de western dans les studios de Cinecittà

Les décors emblématiques des studios de Cinecittà recréant l’Ouest américain, 1964

Les origines de Cinecittà et sa reconversion

Fondés en 1937 sous Mussolini, les studios de Cinecittà étaient initialement destinés à la propagande fasciste. Après la Seconde Guerre mondiale, ils deviennent le “Hollywood sur le Tibre”, accueillant de nombreuses productions américaines attirées par des coûts de production avantageux. C’est dans ce contexte qu’émerge l’idée de produire des westerns à l’italienne.

Les vastes espaces des studios et la campagne romaine environnante offraient des décors naturels étonnamment similaires aux paysages de l’Ouest américain. Les producteurs italiens, confrontés à un marché cinématographique en pleine mutation, y voient une opportunité de créer des films d’action à moindre coût.

Tournage d'une scène de western spaghetti

Tournage d’une scène de duel dans un western spaghetti, 1965

Sergio Leone : le maître du genre

L’avènement du western spaghetti est indissociable du nom de Sergio Leone. En 1964, il réalise “Pour une poignée de dollars” avec un acteur de séries B américaines alors peu connu : Clint Eastwood. Le film, tourné avec un budget dérisoire, révolutionne les codes du western traditionnel. Leone y introduit un style visuel unique, caractérisé par des gros plans extrêmes, une violence stylisée et une tension dramatique portée par les musiques d’Ennio Morricone.

Décor de ville western

Reconstitution d’une ville du Far West dans les studios italiens, 1966

Les caractéristiques du western spaghetti

Le western spaghetti se distingue de son homologue américain par plusieurs aspects fondamentaux. Les héros ne sont plus des figures moralement irréprochables mais des antihéros cyniques et ambigus. La violence y est plus explicite, plus brutale. L’esthétique visuelle privilégie les contrastes saisissants, les cadrages inhabituels et une mise en scène théâtrale.

La musique joue également un rôle crucial. Les compositions d’Ennio Morricone, mêlant instruments traditionnels et sons inattendus (sifflements, cris d’animaux, coups de fouet), deviennent une signature du genre. Cette bande sonore distinctive contribue largement à l’atmosphère unique de ces films.

L’âge d’or et l’héritage

Entre 1964 et 1978, plus de 500 westerns spaghetti sont produits dans les studios italiens. Des réalisateurs comme Sergio Corbucci, Sergio Sollima et Duccio Tessari enrichissent le genre de leur vision personnelle. Ces films abordent souvent des thèmes politiques et sociaux, reflétant les préoccupations de l’époque : la révolution mexicaine, la corruption, les inégalités sociales.

Scène de western spaghetti

Reconstitution d’une scène typique de western spaghetti avec ses personnages caractéristiques, 1967

L’influence du western spaghetti perdure aujourd’hui. Des réalisateurs contemporains comme Quentin Tarantino s’en inspirent ouvertement. Le genre a profondément marqué l’histoire du cinéma, prouvant qu’une réinterprétation culturelle peut transcender ses origines pour créer quelque chose de véritablement novateur.

L’héritage technique et artistique

Les innovations techniques développées dans les studios de Cinecittà pour ces productions ont également laissé leur empreinte. Les équipes italiennes ont perfectionné l’art du doublage (les films étaient souvent tournés sans son), créé de nouveaux effets spéciaux pratiques et développé des techniques de maquillage spécifiques pour accentuer la rugosité des personnages.

Sources :

  • Hughes, Howard. “Once Upon a Time in the Italian West” – I.B. Tauris, 2004. www.ibtauris.com
  • Frayling, Christopher. “Spaghetti Westerns: Cowboys and Europeans from Karl May to Sergio Leone” – I.B. Tauris, 2006. www.routledge.com
  • Archives de Cinecittà – “Storia degli Studios” www.cinecittastudios.it
  • Fisher, Austin. “Radical Frontiers in the Spaghetti Western” – I.B. Tauris, 2011. www.bloomsbury.com