Le cinéma iranien des années 1960 : quand la poésie rencontre l’image

Les années 1960 marquent un tournant décisif dans l’histoire du cinéma iranien, période durant laquelle émerge ce que les critiques nommeront plus tard la “Nouvelle Vague iranienne”. Cette décennie révolutionnaire voit naître une génération de cinéastes qui, influencés par la riche tradition poétique persane et les nouvelles tendances du cinéma mondial, créent une esthétique unique où l’image et la poésie se mêlent intimement.

Scène poétique du cinéma iranien des années 1960

Une scène emblématique du film “La Vache” (1969) de Dariush Mehrjui, illustrant la fusion entre réalisme social et poésie visuelle

Les fondements d’une nouvelle expression cinématographique

Cette période voit l’émergence de réalisateurs visionnaires comme Forough Farrokhzad, poétesse devenue cinéaste, dont le film documentaire “La Maison est noire” (1963) révolutionne l’approche du réel par sa sensibilité poétique. Ce court-métrage sur une léproserie devient rapidement une œuvre fondatrice, illustrant parfaitement comment la poésie peut transcender le documentaire social.

Tournage d'un film iranien des années 60

Sur le tournage de “Le Facteur” (1964), exemple de l’attention portée à la composition visuelle caractéristique de cette période

L’influence de la poésie classique persane

Les cinéastes de cette époque puisent abondamment dans le répertoire poétique persan millénaire. Les œuvres d’Omar Khayyam, Hafez et Rumi trouvent un nouveau souffle à travers des adaptations innovantes qui marient traditions visuelles orientales et techniques modernes de narration. Cette synthèse unique donne naissance à un langage cinématographique où les métaphores poétiques se matérialisent à l’écran.

L’utilisation du temps dans ces films reflète la conception cyclique présente dans la poésie persane. Les plans-séquences contemplatifs, les répétitions visuelles et les structures narratives non-linéaires créent un rythme particulier qui évoque la musicalité des ghazals traditionnels.

Scène symbolique du cinéma iranien

Image symbolique tirée du film “Le Silence” (1968) d’Abbas Kiarostami, représentant la fusion entre tradition poétique et modernité visuelle

La modernité sociale face à la tradition

Les années 1960 sont également marquées par les bouleversements sociaux de la Révolution Blanche initiée par le Shah. Les cinéastes de cette période captent ces transformations à travers un prisme poétique qui permet d’aborder des sujets sensibles de manière subtile. Des œuvres comme “La Brique et le Miroir” (1965) d’Ebrahim Golestan explorent les tensions entre modernité et tradition, utilisant la poésie comme médium de critique sociale.

L’héritage technique et esthétique

L’innovation technique accompagne cette révolution artistique. Les cinéastes expérimentent avec la lumière naturelle, privilégiant les tournages en extérieur et développant une approche minimaliste qui deviendra caractéristique du cinéma iranien. La photographie, souvent contemplative, s’inspire des miniatures persanes traditionnelles, créant des compositions où chaque cadre pourrait être une illustration poétique.

Composition visuelle caractéristique

Composition visuelle inspirée des miniatures persanes dans “La Nuit où il a plu” (1967) de Kamran Shirdel

Les années 1960 posent les fondations d’une école cinématographique qui influencera des générations de réalisateurs, en Iran comme à l’international. L’alliance unique entre poésie et image développée durant cette période continue d’inspirer le cinéma contemporain, prouvant la pérennité d’une approche qui transcende les frontières culturelles et temporelles.

Sources :

  • Dabashi, Hamid. “Masters & Masterpieces of Iranian Cinema” – lien
  • Naficy, Hamid. “A Social History of Iranian Cinema, Volume 2” – lien
  • Sadr, Hamid Reza. “Iranian Cinema: A Political History” – lien
  • Elena, Alberto. “The Cinema of Abbas Kiarostami” – lien

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