Les maîtres coréens du paysage à l’encre pendant la dynastie Joseon

Contexte historique de la peinture coréenne

La peinture coréenne, particulièrement durant la dynastie Joseon (1392-1910), se distingue par une riche diversité de styles et de thèmes, reflétant les valeurs culturelles et sociales de l’époque. La période Joseon est souvent divisée en deux phases : la première, du XVe au début du XVIIe siècle, et la seconde, du XVIIe au XIXe siècle.

Première période (XVe – début XVIIe siècle) : Cette époque est marquée par une renaissance culturelle, où l’élite lettrée aspire à créer un “royaume de lettrés”. Les artistes, souvent des lettrés sans fonction administrative, s’inspirent de la peinture chinoise, notamment des dynasties des Cinq Dynasties et Song. Les thèmes principaux incluent les paysages, les fleurs et les oiseaux, avec une utilisation d’encre et de couleurs légères sur soie ou papier. Les peintures de lettrés, caractérisées par leur simplicité et leur élégance, se distinguent des œuvres plus colorées des peintres professionnels.

Seconde période (XVIIe – XIXe siècle) : Après les guerres Imjin (1592-1598) et contre les Mandchous, la Corée entre dans une phase de reconstruction et d’apogée artistique. Le XVIIIe siècle est considéré comme l’âge d’or de la peinture coréenne, avec des artistes comme Jeong Seon, qui développe un style de paysage unique, et Kim Hong-do, connu pour ses scènes de genre représentant la vie quotidienne. Les paravents décoratifs deviennent populaires, souvent ornés de motifs symboliques et de couleurs vives.

La peinture populaire, ou minhwa, émerge également, représentant des thèmes folkloriques et des symboles de bonheur, tels que les tigres et les dragons. Les artistes de cette période intègrent des éléments de perspective et des techniques influencées par les contacts avec l’Occident, tout en préservant les traditions coréennes.

Jeong Seon : Le maître du paysage

Jeong Seon, né en 1676 dans une famille noble, est un peintre paysagiste emblématique de la dynastie Joseon, connu pour avoir introduit un style de peinture réaliste au XVIIIe siècle. Sa formation confucéenne et son talent précoce lui ont permis de côtoyer des artistes renommés, enrichissant ainsi sa créativité. À l’âge de 36 ans, il s’est rendu aux monts Geumgang, où il a été inspiré par la beauté des paysages, produisant 21 œuvres dans un catalogue intitulé « Haeakjeonshincheop ».

La chute de la dynastie Ming et l’ascension des Qing ont provoqué une crise parmi les artistes, mais Jeong Seon a su transformer cette période de bouleversement en une opportunité de renouveau artistique. Il a développé une technique réaliste qui alliait le dessin à l’encre de Chine et la peinture à l’eau, ouvrant ainsi la voie à un nouveau style de paysages réalistes.

Ses œuvres, qui capturent les paysages coréens avec des détails saisissants, étaient très prisées, au point que des diplomates chinois faisaient la queue pour les acquérir. À l’époque, une de ses peintures pouvait coûter jusqu’à 3 000 jeons, un prix élevé qui témoigne de sa renommée. Malgré son succès, Jeong Seon est resté humble et a continué à perfectionner son art jusqu’à sa mort à 84 ans.

Son tableau « Cheongpunggye », réalisé à 64 ans, illustre son style distinctif, utilisant des coups de pinceau lourds pour les rochers et des traits rugueux pour les arbres, exprimant ainsi la beauté des paysages coréens. L’évolution de son art est visible à travers ses œuvres des monts Geumgang, montrant une progression vers une abstraction plus marquée dans ses dernières années.

Jang Seung-eop : L’artiste libre

Jang Seung-eop, né en 1843, est un peintre emblématique de la dynastie Joseon, reconnu pour son style audacieux et sa capacité à capturer la vie à travers ses œuvres. Orphelin dès son jeune âge, il fut élevé par Lee Eung-heon, un homme passionné d’art qui lui permit de s’initier à la peinture. Malgré un manque d’éducation formelle, Jang démontra rapidement un talent exceptionnel, réalisant des œuvres impressionnantes dès ses débuts.

Son répertoire artistique incluait des portraits, des natures mortes, des paysages et des scènes de la vie quotidienne, mais il se distingua particulièrement dans la peinture animalière. Ses représentations d’animaux, comme des poules et des faucons, étaient si vivantes qu’elles captivaient le public. En quelques années, Jang devint l’un des artistes les plus recherchés de son époque, attirant même l’attention de la cour royale, où il reçut des commandes du roi Gojong.

Contrairement à d’autres artistes de son temps, Jang Seung-eop rejetait les conventions et les règles strictes de la cour. Bien qu’il ait été invité à travailler dans le palais, il ne pouvait supporter les contraintes imposées par la vie royale, ce qui le poussa à fuir. Sa personnalité libre et son penchant pour l’alcool et les plaisirs de la vie l’éloignaient des attentes traditionnelles d’un peintre de cour.

Jang Seung-eop est souvent décrit comme un homme qui vivait intensément, affirmant que « la vie et la mort sont comme un nuage flottant », et il aspirait à se retirer dans des lieux pittoresques. Il mourut en 1897 à l’âge de 55 ans, laissant derrière lui un héritage artistique riche et une aura de mystère quant aux circonstances de sa disparition.

L’héritage des maîtres paysagistes

Les maîtres paysagistes de la dynastie Joseon, tels que Jeong Seon et Jang Seung-eop, ont non seulement influencé l’art coréen de leur époque, mais ont également laissé un héritage durable qui continue d’inspirer les artistes contemporains. Leur capacité à capturer la beauté des paysages coréens et à exprimer des émotions à travers l’encre et la peinture a ouvert la voie à une appréciation plus profonde de la nature et de l’environnement.

Vidéos sur les maîtres coréens du paysage

Cette vidéo explore la vie et l’œuvre de Jeong Seon, mettant en lumière son style unique et son impact sur la peinture coréenne.

Découvrez comment Jang Seung-eop a défié les conventions de son temps et a laissé une empreinte indélébile sur l’art coréen.

Conclusion

La dynastie Joseon a été une période florissante pour l’art coréen, en particulier pour la peinture à l’encre. Les maîtres tels que Jeong Seon et Jang Seung-eop ont su capturer la beauté des paysages coréens tout en exprimant des émotions profondes à travers leur art. Leur héritage perdure, inspirant de nouvelles générations d’artistes à explorer et à célébrer la richesse de la culture coréenne.